Le film « Caravage » de Michele Placido est puissant, prenant et esthétiquement très beau.
Par bien des côtés, il est fidèle à ce que fut ce peintre de génie : « Un homme à la fois glorieux et infréquentable, subversif et pieux, assassin et bon Samaritain,un révolutionnaire partagé entre le salut et l’abîme dont l’obsession est » peindre le réel " ( Le Point ).
Caravage prenait donc comme modèles des gens de la rue - des prostituées, des vagabonds - pour représenter des personnages bibliques.Ce qui donnait à sa peinture une authenticité saisissante mais bien sûr lui a attiré des ennemis.
Toutefois,l’historien de l’art Laurent Bolard, auteur de l’une des rares biographies du peintre ( Fayard 2010 ) dit :
« Contrairement à ce qui a été longtemps écrit, le haut clergé était globalement très favorable à la peinture du Caravage.Il n’était d’ailleurs pas plus choqué que cela par la contribution de vagabonds ou de prostituées à ses toiles. Il fallait bien trouver des modèles et comme cela ne se faisait pas dans les hautes sphères, on les cherchait dans le peuple. L’hostilité venait surtout du bas clergé, des simples moines ».
C’est là que le film dérape. Michele Placido a inventé de toute pièce - pour accroître l’intensité dramatique - le personnage de « L’Ombre » : sulfureux, glaçant , terriblement, inquiétant, inquisiteur chargé par le Pape de mener une enquête sur la vie dissolue du Caravage et de provoquer sa perte en utilisant la ruse.
Et c’est ainsi que - sans vouloir dévoiler la fin qui ne correspond nullement à la réalité - l’Eglise apparaît comme la meurtrière du peintre et se trouve donc injustement noircie.
Simple astuce de metteur en scène comme l’avait fait Milos Forman dans son film « Amadeus » en faisant de Salieri l’assassin de Mozart ?
Ou parti pris délibéré contre l’Eglise ?